Tel est le titre du dernier ouvrage de Robert Boyer, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Selon lui, « L’ESS est un projet politique de transformation des sociétés ».
L’ESS se définit par l’impératif de démocratie appliqué aux activités de consommation, de distribution et de production. La théorie économique distingue l’autorégulation du marché d’un côté, l’intervention publique de l’autre. L’ESS est une troisième approche entre ces deux domaines, pour laquelle la réciprocité et la citoyenneté organisent l’activité économique.
Après trente années de confiance dans les mécanismes de marché, le début de la décennie 2020 semble marquer le retour de l’Etat en tant que protecteur des citoyens et assureur des risques systémiques. Est-ce le début d’une nouvelle époque d’interventionnisme et la répétition d’un mouvement de balancier qui ne cesse d’osciller entre État et marché, alors que, de longue date, l’économie sociale et solidaire a proposé une troisième voie ? Comment expliquer que celle-ci ne se soit pas constituée en une alternative largement discutée dans la société et la sphère politique ? Pourquoi n’est-elle pas plus présente dans les débats sur ce que pourraient ou devraient être les régimes socio-économiques post-covid-19 ? Est-il fondé de voir dans la proposition des » communs globaux « , théorisés par Elinor Ostrom, l’expression d’un renouveau de l’ESS ? Dans une approche comparative croisant théories et analyses historiques, l’économiste Robert Boyer montre que l’ESS constitue une composante essentielle qui assure la viabilité du couple Etat-marché. C’est le terreau de l’innovation sociale et de la démocratie dans l’économie, qui suscitent la formulation de projets de société en rupture avec le fondamentalisme du marché.
L’économie sociale et solidaire. Une utopie réaliste pour le XXIe siècle ? (Les Petits matins, 2023).